The North Face Ultra-Trail du Tour du Mont-Blanc –
Chamonix – Courmayeur – Chamonix [163km, 8900m D+]
L’UTMB est la course de tous les superlatifs, considérée comme la plus dure d’Europe. Les 163 km du tracé partant de Chamonix -8 900 m de dénivelé et douze cols à plus de 2 000 m- doivent être parcourus en moins de 46 heures… Cette aventure sportive unique puise ses sources dans la grande tradition de la Western States, une course à pieds de 100 miles qui se déroule dans la Squaw Valley en Californie…
Comme l’a indiqué Michel Poletti, l’organisateur de la course, dans l’UTMB et dans les courses du même type, « on est en quête de limites humaines, physiques et mentales, (…) on ne court pas contre les autres, c’est plutôt un dépassement de soi qu’on va chercher ». C’est ainsi que je me suis retrouvé à Chamonix le week-end du 24 août 2007.
Avant la course
La récupération des dossards et la vérification des sacs a lieu le jeudi à Chamonix.
La ville de Chamonix se met à l’heure de l’UTMB : la double ration de pâtes est offerte au coureurs !
Il faut maintenant préparer les deux sacs que je retrouverai à Courmayeur et Chamonix, avec des affaires de rechange.
La course
Le départ sur la place du Triangle de l’Amitié à Chamonix.
Chamonix – Les Houches – La Charme (2h15)
Après une petite heure sur le plat, nous arrivons aux Houches, l’ambiance est très sympa, et la montée vers le Col de Voza commence. Je m’économise au maximum, suit le mouvement au lieu de doubler, car rien ne sert de gagner du temps au début. La montée n’est pas trop difficile, la densité de coureur importante et la nuit commence à tomber au moment ou j’attaque la descente.
La Charme – Saint Gervais (1h)
Dès le début, j’ai décidé de m’économiser dans les descentes, je me fais donc bien doubler par une cinquantaine de dingues. La fin de la descente est très cassante, j’évite les dégats et arrive dans la folle ambiance de Saint-Gervais où je retrouve Cécile, Christine et Marcel. Un morceau de saucisson et de fromage, je recharge la poche à eau et je repars assez vite.
Saint Gervais – Les Contamines (1h40)
Il fait maintenant bien nuit. Cette section, avec très peu de dénivelé et en contrebas, est un des passages que j’aime le moins. Je cours / trottine / marche, quelques coureurs sont déjà à la peine (!), les coureurs s’espacent un peu, et j’arrive très frais aux Contamines.
Les Contamines – La Balme (1h30)
Après qq kilomètres de plat, la longue montée du Col du Bonhomme commence. Le repérage de juillet m’a montré que cette montée est le gros morceau de la première partie du parcours, mais je monte assez vite pour prendre un peu de marge sur la barrière horaire. AU milieu, nous passons devons un refuge ; un groupe d’une vingtaine de personnes avec des cloches de vaches y met une ambiance incroyable, puis nous repartons dans la nuit. La deuxième partie de cette montée est moins raide et très agréable, au loin se dessine le refuge de la Balme, où je prends mon premier gros ravitaillement, avec de nombreux bénévoles, plein de choses à grignoter, et un grand feu pour se requinquer avant l’ascension vers le Bonhomme.
La Balme – Les Chapieux (2h50)
L’ascension juste après le refuge est difficile, mais le ravitaillement m’a bien rechargé, je monte bien. Une partie un peu plate, et hop on se dirige vers le col du Bonhomme. Pas trop de vent au passage du col, j’avais peur d’avoir très froid, mais les petis gants suffisent. Ensuite nous montons vers la Croix du Bonhomme, passage qui me parait bien plus long que lors de la reco… En haut de la Croix, à 2500m, il fait quand meme un peu frais, je me dépêche de basculer. De nuit, on ne devine aucun des chalets situés vers 2000m, encore moins l’objectif en bas dans la vallée… La descente est assez technique, mais le fait que le sol soit très humide (bcp de pluie en août…) et qu’on soit de nuit la rend carrément acrobatique ! Plusieurs coureurs chutent, il y a bcp de pierre, attention aux chevilles… Je me casse la figure une fois sur une glissade, ouf ! Quand la pente devient moins forte, je trottine, mais je ne cavale pas comme certains… car il reste plus de 100kms à parcourir ! La fin de la descente est très agréable, je suis tout de même content d’arriver aux Chapieux bien en avance sur la barrière horaire (plus de 2h30 d’avance). Marcel et Christine sont là, je suis content de les voir, ca remonte le moral ! C’est le premier gros ravitaillement du parcours, avec une “soupe nourrissante”, je remets de la Nok sur mes pieds et reste une vingtaine de minute sous la tente surchauffée pour me reposer un peu.
Les Chapieux – Col de la Seigne (3h00)
La route goudronnée jusqu’à la Ville des Glaciers est peu intéressante, j’essaie de somnoler en marchant pour me reposer car il est 4h du matin. Puis le chemin monte en lacets (j’avais oublié que c’était si long !), et ensuite la montée est très agréable à flanc de montagne, avec qq ruisseaux à traverser. Le col s’approche un peu trop doucement à mon goût, je voulais profiter du lever du soleil au passage du col mais je suis un peu trop lent, et finalement je passe en Italie à 7h du matin. Le soleil pointe ses rayons, c’est superbe quand même.
Col de la Seigne – refuge Elisabetta (3h00)
Ce soleil me remotive pour la descente que j’aborde prudemment pour ne pas trop entammer mon capital “quadriceps” ! Le paysage est un des plus beau du parcours… à faire ! Je suis à présent 1000è environ, et il reste exactement 100km !
Refuge Elisabetta – Col Chécrouit (2h00)
Une montée au soleil au milieu de quelques vaches et à travers un torrent, avant d’arriver à l’Arête du Mont Favre 500m plus haut. Je vais une petite pause sur l’arête, j’ai beaucoup d’avance sur la barrière, je serai plus vite que prévu à Courmayeur, rien ne sert de sprinter dans la longue descente (1300m de dénivelé négatif !) qui arrive. Je descends joyeusement, j’ai l’impression d’être dans les temps et encore assez frais. Au refuge de Maison Vieille, des saltimbanques (qui laissent leurs serpents en liberté, arghhhh) nous accueillent, avant la grande descente sur Dolonne.
Col Chécrouit – Courmayeur (50mn)
750m à descendre ! La descente au milieu des pistes de ski est cassante, et la vue sur Courmayeur impressionnante. Il commence à faire chaud, je bois un maximum. Je me cale sur le rythme des plus lents, me forçant à ne pas couper “tout droit au milieu” pour économiser les cuisses. Nous passons ensuite en sous-bois, où la pente est un peu moins prononcée, et croisons des randonneurs qui montent au refuge et nous encouragent. A l’arrivée sur Dolonne, je croise mon père, nous faisons le dernier kilomètre avant la base-vie ensemble. Devant la base-vie m’attendent Cécile, mon frère et ma mère, j’ai le moral qui remonte en flèche. Nous discutons quelques instants, puis je regagne la zone coureur. Je me retrouve seul au milieu de cette grande salle très calme, avec peu de bruit par rapport à dehors, où les coureurs essaient de se refaire une santé. Je change mon t-shirt, mes chaussettes, mets de la nok sur mes pieds qui ont l’air ok, m’étire une dizaine de minutes, mange des pates et une soupe, recharge ma réserve d’eau et de barres céréales. La crème solaire est de sortie aussi. Une trentaine de minute plus tard, je ressors, alors que beaucoup de coureurs ont l’air de faire des pauses assez importantes.
Mais savoir que je ne suis pas encore à la moitié me fait pas mal peur, je ne suis plus certain d’arriver au bout .
Courmayeur – Refuge Bertone (1h30)
Je marche jusqu’à l’église de Courmayeur avec Cécile, Thibault et mes parents, puis je les abandonne pour la terrible montée sur Bertone : plus de 800m ! Il fait chaud, très chaud, mais je m’accroche à un groupe assez rapide. Une fois arrivé au refuge, je sens que j’ai un peu trop forcé, je vais devoir me refaire sur la partie à peu de dénivelé suivante. C’est un des endroits où le paysage est le plus beau, j’en profite !
Refuge Bertone – Refuge Bonatti (1h40)
Cette section à flanc de montagne me parait Interminable ! J’ai un contrecoup de la montée, et moi qui étais reparti de Courmayeur en (presque !) pleine forme, je ne suis pas en super forme. J’ai l’impression de beaucoup me faire doubler (en fait je gagne 8 places), je décide de bien m’étirer à Bonatti. D’ailleurs ce refuge me parait beaucoup plus loin que l’année dernière sur le petit parcours !!! Enfin j’y arrive, en petite forme.
Refuge Bonatti – Arnuva (1h10)
La forme revient tout doucement dans la dernière descente avec le col Ferret, je perds quelques places, mais certains coureurs qui descendent à toute vitesse me font un peu halluciner : nous ne sommes pas encore au km100. La gros ravitaillement d’Arnuva est très sympa, qq étirements, le plein d’eau, et c’est reparti.
Arnuva – Grand Col Ferret (1h30)
La première moitié de la montée se passe très bien, je me cale sur un bon grimpeur, ca avance ! Je décide de tout monter d’une traite. Cependant, aux deux tiers, cela devient terrible, la pente est très forte, j’ai vraiment l’impression de marcher doucement, mais finalement je réussi à atteindre le plus haut point du parcours en 1h30. Au passage du col, quelques bénévoles motivés nous accueillent en Suisse, troisième pays traversé par l’UTMB.
Grand Col Ferret – La Fouly (2h00)
Je m’arrête 10mn après le col pour faire de étirements, et encore 5mn au refuge de la Peule. J’ai vraiment peur d’avoir des crampes aux cuisses. Il y a 9km de descente pour 1000m de dénivelé négatif, jusqu’à la Fouly, que je fais en grande partie avec un autre coureur. Il y a beaucoup de coureurs au ravitaillement de la Fouly, et ce ravito est très bien fourni. Je décide de faire un arrêt assez rapide (une soupe, du fromage, du saucisson, et encore des étirements !) même si je me doute que je n’arriverai pas à Champex avant la nuit.
La Fouly – Champex Lac (3h)
10km très faciles de descente très douces jusqu’à Praz-Le-Fort me remettent d’aplomb. J’ai bien repris le rythme, et la nuit tombe lorsque je débute mon ascension vers Champex. Je lâche le groupe avec lequel j’étais et attaque la montée dans les sapins à la frontale tout seul, sur un très bon rythme. Je suis très isolé dans la forêt, c’est un peu flippant, je double trois coureurs seulement. Et à 22h, j’aperçois les lumières de la dernière base-vie où m’attendent Cécile et ma petite famille. Les coureurs arrivent au compte-goutte, les encouragements sont très chaleureux à l’entrée de la base.
Champex
A Champex, l’ambiance sous la grande tente est super, je me fais un festin de pâtes au milieu de mes 6 supporters ! Ma maman me fait un bon massage des quadriceps, et je me change en tenue de nuit pour affronter le froid de Bovine. Dans bénévoles nous changent les piles des frontales, c’est top ! Je resteras bien plus longtemps, mais la chaleur est si agréable qu’il sera difficile de repartir ! Deux cafés, un dernier coucou, et je repards dans le nuit noire…
Champex – Bovine (3h)
Jene me rappelai plus que c’était si long d’arriver au pied de Bovine ! Je mets au moins une heure en descente, alors que j’avais le souvenir de 20mn de plat… étrange… JE commence la montée la plus difficile du parcours à un rythme normal, puis me fais doubler par un groupe de “locomotives”. J’hésite, puis décide de leur emboiter le pas. Les gros blocs à quais escalader agrémentent bien la montée, le rythme est soutenu, j’enlève les gants, j’ai trop chaud ! Je suis content d’arriver au sommet, j’ai dépensé pas mal d’énergie mais j’ai minimisé la durée dans la montée, on ne peut pas tout avoir…
Bovine – Trient
Après un telle rythme, je prends l’option descente tranquille, et du coup, la descente me parait interminable. Je suis dans un groupe qui va doucement, parfait pour m’économiser. Je perds du temps mais peu importe. Au col de la Forclaz, je suis persuadé que c’est enfin le ravitaillement, mais non, ca continue encore 30mn. Cela fait plus de 4h que je suis parti de Champex ! C’est terrible, puis enfin je reconnais les derniers 500m, ca y est, on y est ! Sans la tente, un bénévole accueille personnellement au micro chaque coureur, donnant son origine, et mettant si possible une musique adaptée, c’est très sympa ! Petits étirements, gros sandwic, et je repars,en oubliant mes batons ! Demi-tour, puis j’attaque la dernière grosse montée.
Trient – Catogne – Vallorcine (3h)
Je suis pressé d’en finir avec cette dernère montée, j’emboite donc le pas à un bon grimpeur. Les 500 premiers mètres passent bien, dans la forêt, nous doublons beaucoup de monde. Les 300 derniers metres de montée sont très longs, car le parcours à changé et nous continuons beaucoup plus loin que ce que j’imaginais. Dur pour le moral après 35h de course ! La descente aussi est longue et serpente beaucoup, je tiens le coup en me disant que c’est la dernière, j’attends avec impatience le poste frontière qui marque notre retour en France. Et il n’arrive pas ! Ca y est, je reconnais le télésiège qui marque la frontière, la fin de la descente, toute douce à présent, n’est plus très loin. L’organisation a déplacé le ravitaillement, j’ai l’impression d’halluciné quand je ne le vois pas là où il était l’année dernière !
Vallorcine – Argentière (1h30)
Le jour se lève, je suis en route vers le dernier col, le col des Montets. Je fais toute cette section en marchant, croisant quelques joggeurs matinaux, me faisant doubler par une dizaine de coureurs, mais peu importe. Le parcours est sans difficulté, je suis certain de terminer…. Petite fringale quand même, j’allais oublié le petit déjeuner !
Argentière – Chamonix
Dernier village, un petit café, une barre de nougat… Je décide de marcher jusqu’à croiser mon papa et mon frère qui viennent à ma rencontrer, puis, avec eux, j’alterne course et marche. Le soleil s’est bien levé, il faut beau, il est 9h, nous trottinons vers Chamonix. Ils me laissent à 1km de l’arrivée, je passe à travers la ville, au milieu des applaudissements, vers cette arche que, 39h plus tôt, j’avais passé dans l’autre sens… L’arrivée, enfin !
Vidéo de mon arrivée, passée sur TV Suisse Romande (TSR), ci-dessous !
Résultats en chiffres
Points | Heure pass. | Temps course | Classement |
La Charme | V-20:49 | 02h15mn49s | 1328 |
Saint-Gervais | V-21:45 | 03h11mn05s | 1392 |
Les Contamines | V-23:31 | 04h57mn40s | 1263 |
La Balme | S-01:05 | 06h31mn03s | 1131 |
Refuge Croix du Bonhomme | |||
Les Chapieux CCAS | S-03:56 | 09h22mn25s | 1122 |
Col de la Seigne | S-06:53 | 12h19mn37s | 997 |
Refuge Elisabetta | S-07:18 | 12h44mn23s | 1082 |
Col Chécrouit – Maison Vieille | S-09:29 | 14h55mn14s | 1072 |
Courmayeur – Dolonne | S-10:22 | 15h48mn44s | 1043 |
Refuge Bertone | S-12:22 | 17h48mn48s | 914 |
Refuge Bonatti | S-14:03 | 19h29mn22s | 906 |
Arnuva | S-15:18 | 20h44mn16s | 907 |
Grand Col Ferret | S-16:51 | 22h17mn47s | 851 |
La Fouly | S-18:48 | 24h14mn56s | 877 |
Champex Lac | S-21:52 | 27h18mn09s | 816 |
Bovine | D-01:05 | 30h31mn44s | 683 |
Trient | D-02:48 | 32h14mn15s | 678 |
Catogne | |||
Vallorcine | D-06:03 | 35h29mn07s | 650 |
Argentière | D-07:41 | 37h07mn28s | 661 |
Chamonix – Arrivée | D-09:39 | 39h05mn31s | 682 |